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Les autres fonctions du scolaire
Le scolaire en Institut Médico-Educatif
Les enseignants membres de l’Education Nationale forment le pôle pédagogique de l’Institution. Le scolaire, qu’ils représentent, est l’une des références à la normalité qui atténue la dimension médicale de l’institution.
Le pôle pédagogique travaille en collaboration avec le reste de l’équipe (thérapeutique, éducative, services généraux) et la famille avec la volonté d’appréhender la personne handicapée dans sa globalité. Il participe ainsi au processus thérapeutique global de l’institution.
Tous les jeunes de l’institution peuvent bénéficier d’une scolarité adaptée. La prise en charge pédagogique sert l’intérêt de l’enfant, de l’adolescent. Elle n’est pas un leurre utilisé pour atténuer la souffrance des parents et nier les difficultés.
La représentation qu’a l’enseignant de la personne qu’il accompagne, a des répercutions directes sur sa prise en charge. En donnant à tous les jeunes accueillis, le statut d’être pensant, de citoyen en devenir, il ne limite pas leurs potentialités et leurs porte un regard ambitieux.
Il existe dans tout individu une « partie saine » en opposition à une « partie malade ». L’enseignant n’est pas thérapeute, ses outils sont le parler, le lire, l’écrire et le compter. Sans pour autant nier les troubles, il refuse la folie en s’adressant à la « partie saine » de la personne.
La famille et les professionnels ne doivent pas enfermer le jeune dans leurs angoisses en s’adressant à un être rêvé ou imaginaire. L’enseignant doit lâcher prise en acceptant qu’il ne maîtrise pas le processus de transformation du jeune. Cette démarche crée l’espace indispensable pour laisser émerger le désir du jeune. En effet, seul ce désir permettra de développer les capacités, la propre personnalité de l’enfant, ceci en adéquation avec ses potentialités et son histoire.
Le désir naît du plaisir.
Parfois les jeunes d’institution n’ont pas de désir. L’enseignant doit alors proposer des activités dans lesquels il se sent bien pour propager son propre plaisir et espérer qu’il puisse servir d’origine au désir de l’autre. Cette vie qu’il insuffle permet à chacun d’exister dans l’activité, de lutter contre l’enfermement sur soi.
En institution l’enseignant est confronté à la psychose, au morcellement. Pour aider la personne à se constituer, il doit lutter contre ce morcellement en créant du lien.
Le travail en équipe avec les autres partenaires, notamment les éducateurs, aide le jeune à prendre conscience que les différentes prises en charges servent les mêmes desseins
En proposant une démarche transdisciplinaire, l’enseignant permet au jeune de faire des mises en relation entre les différents concepts, les savoirs, les savoirs-faire.
L’handicap naît de l’interaction de la personne avec son environnement. Pour faire tomber le handicap, au moins provisoirement, il faut modifier cet environnement. La volonté de l’enseignant n’est donc pas de vouloir modifier l’autre (l’élève), mais de modifier l’environnement pour que la personne puisse se constituer, développer sa propre personnalité. L’enseignant sert donc de tiers, de médiateur. Il aménage le milieu. Il accompagne le jeune.
Tous les jeunes sont différents. A chaque jeune correspond un projet. A chaque projet correspond une méthode. En pédagogie, il n’existe pas la pas une Méthode (avec un grand M) qui conviendrait à toutes les situations, mais des méthodes que l’enseignant adapte pour répondre au mieux au projet d’un enfant.
Travailler sur la métacognition, c’est aider l’enfant, l’adolescent à prendre conscience de ses capacités et de son fonctionne intellectuel pour qu’il accède à l’autonomie. Cette réflexion, ce travail de conscientisation est basé sur la médiation sociale, la communication de l’individu avec le groupe. L’enseignant se positionne alors comme médiateur. Comme le décrit Bruner, il prend en compte l’enfant, il donne du sens à ce qu’il fait, il l’encourage à le réaliser…
« L’enfant construit son identité à travers ses relations à autrui » Henri Wallon.
Le groupe est un lieu d’échange et de construction psychologique et sociale. Parce qu’il a un dedans et un dehors, il crée une « enveloppe » qui assure une fonction contenante. Il offre un cadre de travail rassurant et sécurisant. Il favorise la communication, les interactions, la coopération et l’identification aux pairs. Il permet de multiplier les points de vue sur les thèmes abordés, les méthodes de travail, les formes de raisonnement, les procédures de résolution. L’enfant n’est pas seul face à la tâche. Ses idées s’entrechoquent avec celles des autres. Il génère un conflit socio-cognitif[1]. En devenant intermédiaire, médiateur, le groupe permet une mise à distance de l’élève et de ses difficultés.
Comme le stipule l’article 28 de la convention internationale des droits de l’enfant : « l’enfant a le droit à l’éducation ». L’un des principes fondamentaux de l’enseignement français est l’égalité d’accès à l’éducation avec la volonté que tous les enfants reçoivent un enseignement primaire identique (1793) avec un élargissement d’accès à l’enseignement secondaire et à l’enseignement supérieur (années 1960 et 1970). Les lieux où sont dispensés ces enseignements sont l’école, le collège et le lycée. La personne handicapée a le droit légitime, si elle en a les capacités et les moyens, d’accéder (« avec les autres ») à ces enseignements. L’IME concrétise cette volonté respectueuse et ambitieuse en situant l’école à l’extérieur de l’institution et en menant une politique favorisant l’intégration scolaire 1.
- Aider l’enfant ou l’adolescent à se séparer, se différencier de l’autre, construire sa personnalité.
- Stimuler l’enfant ou l’adolescent à communiquer, à partager.
- Faire naître ou développer le sentiment de compétence, le plaisir et l’envie d’apprendre, de savoir.
- Promouvoir l’autonomie de penser.
- Construire les savoirs élémentaires : parler, lire, écrire et compter.
- Accompagner l’enfant ou l’adolescent vers une intégration scolaire[2], une autonomie, la citoyenneté.
C’est accéder au symbolique pour former son esprit. C’est devenir autonome, citoyen, acteur de son savoir, de ses choix.
- En acceptant de se confronter à une situation problème.
- En comprenant ce qui est attendu de soi (donner du sens).
- En surmontant la peur de se tromper, de ne pas réussir (accepter le déséquilibre).
- En faisant de son mieux (on a le droit de se tromper).
- En cherchant, en expérimentant, en utilisant son expérience.
- En formulant à sa manière les différentes étapes de son travail.
- En se créant des représentations, en reprenant ses représentations erronées.
- En faisant le bilan des ses acquisitions, en mesurant le chemin parcouru.
- En entretenant ses nouvelles acquisitions et en les réinvestissant dans d’autres champs.
L’hétérogénéité des jeunes reçus en IME oblige l’enseignant à proposer différentes prises en charge scolaires :
- L’accueil scolaire : il est proposé à des jeunes qui ne sont pas encore dans les apprentissages ou qui refusent d’apprendre. Le cadre souvent très souple, contenant et rassurant a la volonté d’éveiller la curiosité, de faire naître l’envie d’apprendre, d’aller en scolaire.
- L’éveil scolaire : il est proposé à des jeunes motivés pour apprendre mais qui ne supportent pas le cadre d’une pédagogie classique. Des activités de médiation (non répertoriées comme scolaires), leurs sont proposées pour appréhender les apprentissages avec la volonté de les amener peu à peu à être (ou redevenir) élève et/ou à développer leur autonomie.
- le scolaire : il est proposé à des jeunes en capacité d’être élève soit pour les conduire vers une intégration scolaire1, soit pour approfondir leurs connaissances.
Ce sont surtout les objectifs visés qui définissent le type de prise en charge. On pourra donc parfois trouver, sur une même activité, des jeunes bénéficiant de prises en charge scolaires différentes.
La constitution du sujet passe par l’accès au symbolique. L’enseignant accompagne l’enfant dans cette quête en aménageant le milieu.
- Partir du réel : l’enseignant propose des activités où le jeune a un vécu basé sur le plaisir.
- Travailler sur l’imaginaire : les expériences précédentes sont reprises, exploités. Ce travail fait émerger chez le jeune des représentations, des images.
- Accès au symbolique : dans cette dernière étape, dans la continuité du travail précédent, le jeune va se créer des représentations de lui-même : des images de soi. Durant ce travail sur soi avec l’autre, l’image de l’autre va aussi apparaître. La présence de l’autre fait naître le besoin, le besoin de communiquer. Ainsi prennent sens les outils proposés par l’enseignant : le parler, le lire, l’écrire, compter.
De part ses spécificités (sa fonction, son cadre, ses outils), le scolaire peut être utilisé pour préserver le jeune de ses angoisses et/ou renvoyer de la réalité :
- Certains jeunes, pour ne pas être détruis par leurs angoisses, ont besoin d’un cadre qui les contiennent. Le scolaire peut être cet espace structurant et rassurant.
- L’accès au symbolique, l’écrit notamment, peut servir de soupape et de catalyseur. En mettant en mots, le jeune se libère, canalise ses angoisses. Il prend de la distance et se crée un espace qui lui permet d’élaborer.
- L’enfant ou l’adolescent est parfois enfermé dans un statut d’élève (d’enfant rêvé) qui ne lui correspond pas. Ce dernier, par la normalité qu’il renvoie, atténue la souffrance liée au handicap. La prise en charge scolaire peut aider le jeune et/ou sa famille à faire le deuil de ce parcours. Ainsi délivré, il peut, dans la réalité, se construire un devenir en adéquation avec sa personnalité, ses possibilités.
[1] Le Conflit socio-cognitif naît lorsque deux personnes au moins, accomplissent la même tâche et poursuivent le même objectif (sinon individuel = conflit cognitif). Le conflit naît de la divergence de vue entre les deux personnes. Ce conflit ne peut être résolu que si l’enfant coordonne dans sa propre pensée son point de vue et celui de son partenaire. Ce conflit permet à l’individu de progresser.
[2] Voir « L’intégration scolaire des enfants ou adolescents d’Institution Médico-éducatif » - Franck CHABERT – Novembre 2004.
Franck CHABERT - http://chabertfranck.free.fr/
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