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Vidéo et communication en IME

Aider des élèves d'IME à préparer leurs futurs entretiens professionnels


Sommaire

Introduction

2         Approche théorique

    2.1      L’entretien professionnel

    2.2      L’identité personnelle

        2.2.1       La genèse de l’image de soi : le stade du miroir (J. Lacan)

        2.2.2       La constitution de l’identité personnelle (D. Winnicott)

        2.2.3       L’identité personnelle et le groupe

        2.2.4       L’identité dans le temps

        2.2.5       Identité personnelle et handicap

    2.3      La communication

        2.3.1       Communication : aspects théoriques

        2.3.2       Le message est souvent équivoque

        2.3.3       Les enjeux de la communication

        2.3.4       Communication et handicap

    2.4      La vidéo

        2.4.1       La vidéographie

        2.4.2       La vidéoscopie

        2.4.3       Utiliser la vidéo : un choix pédagogique

3         Approche pratique

    3.1      Le cadre général de l’expérimentation

        3.1.1       L’établissement

        3.1.2       Le projet d’établissement

        3.1.3       La classe

        3.1.4       Le projet dans la classe

        3.1.5       Les hypothèses de travail

    3.2      Le cadre de l’expérimentation

        3.2.1       Le lieu

        3.2.2       Le déroulement des séances

        3.2.3       La charte

    3.3      Les adolescentes

    3.4      Travail et progression

    3.5      Les séances de préparation

    3.6      La première séance

    3.7      La troisième séance

    3.8      La dernière séance

    3.10         Compte-rendu d’analyse

4         Conclusion

5         Bibliographie

    5.1      Livres

    5.2      Revues

    5.3      Textes officiels

6          Annexe 1

 

 

1        Introduction

Avant de me décider à suivre la formation au CAAPSAIS[1] option D[2], j’ai eu la chance d’être Brigade départementale pendant une douzaine d’années. Cette expérience enrichissante m’a permis de connaître bon nombre d’institutions, d’écoles, de classes spécialisées très différentes les unes des autres : EREA[3], IME[4], SES[5], SEGPA[6], ERPD[7], classe de perfectionnement, CLIS 2[8] et CLIS 1[9] ces deux dernières années. Dans certaines de ces structures, au cours de sorties scolaires, d’ateliers théâtre, de « séances magnétoscope », j’ai eu l’occasion d’utiliser la vidéo. Quels que soient les handicaps ou les difficultés rencontrés, la vidéo attire, fascine, motive ou effraie, mais ne laisse pas indifférent. Ces sentiments qu’elle génère m’amènent à penser qu’il y a là une piste pédagogique intéressante à exploiter.

Cette année, j’effectue mon stage dans un IME accueillant des adolescents handicapés mentaux (déficients légers) qui alternent scolarité et stages en atelier ou en entreprise (une semaine sur deux). Cette formule vise à les intégrer dans le milieu du travail. Leur aptitude à communiquer avec l’extérieur est l’une des clés de la réussite de cette insertion. En effet, il est capital pour ces jeunes gens de pouvoir donner une bonne image d’eux-mêmes, de pouvoir rendre compte de leurs capacités et du chemin qu’ils ont parcouru, de pouvoir appréhender une discussion avec leur futur patron, leurs futurs collègues…

Fort de ces constatations, je me suis posé la question suivante :

Sur la base d’un travail de préparation aux entretiens professionnels, la vidéo peut-elle être un outil efficace pour aider des adolescents handicapés mentaux à mieux communiquer ?

 Cette question m’amènera à définir, dans une première partie théorique, l’entretien professionnel, le processus de la constitution de l’identité personnelle, la communication et la vidéo.

Je décrirai, sur la base des éléments dégagés précédemment, dans une deuxième partie pratique, la démarche pédagogique mise en œuvre dans un IME pour tenter de répondre à cette question.

Enfin, en conclusion, je dresserai le bilan des effets de cette expérimentation.

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2        Approche théorique

2.1    L’entretien professionnel

« Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. »[10].

Un des rôles de l’école, comme le précise cet extrait de loi, est de préparer les élèves à s’insérer dans leur vie professionnelle. L’entretien pour la recherche d’un emploi, d’un contrat d’apprentissage ou d’un stage est une des clefs de cette insertion. Il mérite donc d’être travaillé. L’ANPE précise, d’ailleurs, dans son guide de la recherche d’emploi : « L’entretien est un exercice difficile. Alors n’hésitez pas à vous entraîner et à vous faire aider ».

Un entretien professionnel est un échange d’informations entre un recruteur et un candidat. Le recruteur présente au candidat l’entreprise, le poste et ses caractéristiques. Le candidat donne des renseignements sur sa formation, son expérience et ses aspirations. Il se présente, c’est à dire qu’il vient se faire connaître, se proposer. Mais se faire connaître présuppose que l’on a une représentation de soi, une identité personnelle.

2.2    L’identité personnelle

Pierre Tap[11] (professeur de psychologie sociale du développement) définit l’identité personnelle comme « l’ensemble des représentations et des sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-même. […] c’est ce qui permet de rester le même, de se réaliser soi-même et de devenir soi-même, dans une société et une culture données, et en relation avec les autres ».

L’identité personnelle est donc une notion complexe qui comporte une dimension objective (chaque individu est unique, différent de tous les autres par son patrimoine génétique) et une dimension subjective qui peut se décliner en de multiples composantes  :

-         L’image de soi. Elle est la représentation imaginaire plus ou moins structurée, plus ou moins stable que l’on a de soi. De cette composante découle toutes les autres.

-         Le sentiment de soi. Il est le sentiment d’être original, différent, de se percevoir unique et incomparable. Cet élément peut s’exprimer de façon positive mais peut aussi se concrétiser en une fermeture sur soi, associée au déni de l’autre.

-         La continuité de soi. Elle est le sentiment de rester le même au fil du temps, de rester identique ou au moins semblable à soi-même.

-         L’estime de soi. C’est la façon dont on se juge, on s’évalue et qui émerge du rapport entre le soi idéal (celui que l’on voudrait être) et l’image de soi (celui que l’on ressent être). Nous avons besoin d’une vision positive de nous.

-         Le soi social. Il est celui que l’on montre aux autres, qui est différent du soi intime (celui que l’on est intérieurement). On se comporte selon un certain style pour tenter de renvoyer à autrui une représentation de soi correspondant au soi idéal. Nous sommes plusieurs personnes en une même personne. Cela peut être une richesse (l’articulation de rôles multiples) ou au contraire, provoquer un éclatement de soi, une dispersion de soi.

 La constitution de l’identité personnelle, basée sur l’image que l’on a de soi, résulte de la capacité à gérer le paradoxe du changement de soi dans la continuité, à travers les interactions avec le milieu extérieur. On se réalise par l’action, on devient soi-même à travers les autres.

L’identité se construit progressivement dès le début et tout au long de la vie. Avant la naissance, désiré ou non-attendu, l’enfant est rêvé, imaginé par ses parents (sexe désiré, choix du prénom). Déjà ils anticipent, élaborent des projets autour de lui. Après la naissance, la parole familiale continuera à accompagner l’enfant pendant son développement en lui proposant une interprétation de ses réactions, de ses comportements. Cependant, le nouveau-né n’a pas une conscience immédiate de son identité. Celle-ci se constitue progressivement. Le nourrisson commence, en localisant les sensations, les émotions, les tensions dans son corps, à distinguer ce qui est interne (la soif, la faim…) de ce qui est externe (personnes, objets…). La constitution de l’image de soi, que J. Lacan a appelé le stade du miroir, et les premières interactions avec le milieu extérieur, décrites entre autres par D. Winnicott, tiennent donc une place primordiale dans la constitution de l’identité.

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2.2.1         La genèse de l’image de soi : le stade du miroir (J. Lacan)

C’est en 1949 que le psychiatre Jacques-Marie Lacan (1901–1983) définira le stade du miroir comme « la matrice et l’ébauche de ce qui sera le Moi »[12]. B. Golse le traduit en ces termes : « Si l’on veut simplifier à l’extrême, on peut dire au fond que le stade du miroir permet à l’enfant d’appréhender un devenir, d’anticiper sur ce qu’il sera, par la représentation d’une image totale de son corps »[13]. Cette conquête d’identité se constitue entre le sixième et le dix-huitième mois et se décompose en trois phases, chacune associée à l’un des grands registres du psychisme humain (le Réel, l’Imaginaire et le Symbolique) :

-         Tout d’abord l’enfant perçoit le reflet du miroir comme un autre être réel qu’il tente de toucher, d’attraper. Cette perception crée une double confusion : sa propre image est vécue comme celle d’un autre et l’image de l’autre peut être prise pour la sienne. Ce premier temps est celui de la Réalité (l’Image est vécue comme un être réel). L’enfant est directement aux prises avec le Réel, comme il l’est avec sa mère. Le Réel lui est tellement présent qu’il ne peut le percevoir, l’atteindre.

-         Dans la deuxième phase l’enfant réalise que le reflet du miroir n’est pas un être réel, qu’il n’est qu’une image, image qu’il ne reconnaît pas encore comme sienne. Ce second temps est celui de l’Imaginaire (l’Image est perçue comme fictive).

-         Enfin, dans un troisième temps, l’enfant comprend que le reflet du miroir est son image, il reconnaît l’image spéculaire de sa mère comme sa mère... Ce dernier temps est celui du symbolique (l’Image est reçue comme une représentation de soi-même). C’est autour de cette relation à l’image, de soi face à soi, que vont se construire l’identité et les premières relations à l’objet.

Le miroir apporte à l’enfant, qui ne se sentait pas vraiment distinct du monde extérieur, des informations intégratrices structurantes et unifiantes sur ce qu’il peut être, il joue le rôle d’objet de perspective. Le miroir a donc une fonction. L’image du semblable, le regard d’autrui peuvent aussi avoir cette fonction miroir. L’autre nous est nécessaire pour nous renvoyer des choses de nous-même auxquelles nous ne pouvons avoir accès, il nous confère notre identité.

Le stade du miroir a donc une valeur développementale. L’échec de cette expérience, où s’imbriquent le Réel, l’Imaginaire et le symbolique, serait, selon Lacan, en lien avec les psychoses infantiles.

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2.2.2         La constitution de l’identité personnelle (D. Winnicott)

Le psychiatre anglais Donald W. Winnicott (1896-1971), influencé par Freud et sa contemporaine Mélanie Klein, s’attacha particulièrement à la dyade mère-enfant dont il étudia les relations et leurs conséquences sur le développement du nourrisson. Il pensait que, malgré un potentiel inné variable de l’enfant à devenir un enfant, le développement de celui-ci dépend de son environnement : des soins maternels qui doivent être « suffisamment bons » ; de la façon dont il est porté (« le holding ») ; de la manière dont il est traité, manipulé (« le handling »). Ils permettent de prévenir les distorsions précoces, ils éveillent le plaisir de vivre...

 Pendant les cinq premiers mois (« la phase de dépendance absolue » aux soins maternels), le nourrisson est en fusion avec sa mère qui s’identifie à lui et qui comprend exactement ce dont il a besoin. Cet état particulier de la mère est défini, par Winnicott, comme une maladie normale qu’il appelle la « Préoccupation Maternelle Primaire ». Lorsque le nourrisson manifeste un geste qui exprime une pulsion spontanée, la mère y répond de façon immédiate et parfaite, donnant ainsi l’illusion à l’enfant qu’il crée lui même l’objet de satisfaction. Il ressent pendant une courte période un sentiment de toute puissance (l’expérience d’omnipotence). La répétition de ces expériences donne de la force à son Moi faible. C’est ce phénomène (l’identification primaire) qui établit le « sentiment d’être » qui est la base du sentiment de soi, c’est à dire de l’identité.

Au cours de cette relation, la mère va jouer un rôle miroir pour l’enfant. Le Moi de la mère supplée puis supporte le Moi de l’enfant. Lors de la tétée, le bébé se voit « en reflet » dans le visage maternel : « généralement ce qu’il voit, c’est lui-même. En d’autres termes, la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit »[14].Cette expérience en se répétant engagera un processus de différenciation progressif. Elle prendra de plus en plus de sens pour l’enfant qui élaborera progressivement une idée de la personne mère (passage d’une dimension symbolique au sentiment de réalité). Cela correspond au début du processus de séparation du non-Moi et du Moi.

Entre le sixième et le douzième mois (« la phase de dépendance relative »), la mère se détache progressivement de son bébé (« l’abandon progressif »), attend un signal de son enfant pour satisfaire ses besoins, et va ainsi lui permettre de se différencier petit à petit d’elle même. Le Moi se constitue en faisant l’expérience de l’épreuve de réalité et des frustrations. Ce Moi maturé est appelé le « self » par Winnicott. Durant cette étape, le besoin maternel devient conscient, la compréhension intellectuelle allant du simple réflexe conditionné à la compréhension du langage va se développer.

Dès le début de la deuxième année (« la phase de l’indépendance »), l’enfant affronte progressivement le monde et s’identifie à lui. Il se socialise.

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2.2.3         L’identité personnelle et le groupe

Nous avons vu précédemment que pour être soi, il fallait se différencier de l’autre, de la mère. Mais l’identité personnelle ne peut aussi se constituer qu’à travers l’autre, l’appartenance à des groupes : je suis homme ou femme, jeune ou adulte, « normal » ou handicapé… L’identité individuelle passe donc par l’identité collective. Je peux me définir à travers mes rôles sociaux, mes origines, mes activités…

 La psychosociologie a démontré qu’une personne qui se sent en sécurité dans un groupe a plutôt tendance à s’affirmer dans sa singularité. A contrario, dans une situation de conflit, elle ressent le besoin de ressembler aux autres, de fusionner, de se référer au groupe. Le groupe peut donc être un lieu sécurisant, et aussi bien un frein à l’identité personnelle, qu’un moyen nécessaire pour y accéder. Cette double fonction à la fois complémentaire et paradoxale se retrouve dans le processus d’identification. Lorsque je m’identifie à une autre personne, cela signifie que j’augmente la ressemblance avec elle, que je m’approprie ses compétences et ses valeurs. L’identification vue sous cet angle peut donc apparaître comme le contraire de l’identité. Pourtant la construction de cette dernière passe forcément par une succession d’identifications. L’affirmation d’appartenance à un groupe, lors de prises de position, peut être un moyen de valorisation, de promotion.

 Le premier groupe auquel l’enfant appartient est la famille. C’est là qu’il expérimente la personnalisation (le développement de soi en tant que personne autonome) qui s’effectue à travers l’acceptation des règles sociales et de leur mise en question. Ce processus de personnalisation se reproduit ensuite dans d’autres contextes (les groupes de pairs, la classe, l’école, l’institution, le milieu professionnel…).

2.2.4         L’identité dans le temps

L’identité est un phénomène dynamique qui évolue tout au long de l’existence. Elle résulte d’une addition successive de remaniements et de tentatives d’intégration plus ou moins réussies. Elle subit crises et ruptures. La crise de puberté, par exemple, est souvent particulièrement forte. Elle est la modification de l’identité enfantine. L’adolescent qui voit son corps se modifier profondément, doit accepter, intégrer cette transformation pour se construire une nouvelle identité sexuelle. Ce corps d’adulte le pousse, pour modifier la position symbolique qu’il occupait dans la société, à se distancier de sa famille , à réaliser le « meurtre » des images parentales et d’en assumer le deuil et la culpabilité. Cette crise de l’identité est l’un des éléments incontournables de la problématique des adolescents d’IME dont l’enseignant spécialisé doit tenir compte dans sa pratique. La circulaire n° 89-17 du 30 octobre 1989 consacre, à ce sujet, un chapitre entier («  Porter une attention particulière aux besoins de l’adolescence ») qui commence ainsi : « Ce sont avant tout des adolescents, et une attention particulière devra leur être accordée dans l’établissement pour que les besoins nouveaux créés par le bouleversement pubertaire et les aspirations qui les accompagnent soient reconnues et satisfaites en dépit des troubles existants ».

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2.2.5         Identité personnelle et handicap

En tant que maître D, les enfants qui nous sont confiés, sont souvent décrits comme ayant des troubles graves de la personnalité, c’est à dire comme des personnes ayant des difficultés à se sentir comme un sujet unique et permanent. La construction de l’identité personnelle est donc au cœur de leur problématique, elle peut être même, comme nous l’avons décrit précédemment, à l’origine des troubles psychologiques.

Encore plus que tous les enfants et adolescents « normaux », les jeunes personnes handicapées ont un Moi mal assuré. C’est l’entourage (parents, enseignants, amis, institutions…) en renvoyant une image positive de l’enfant à lui-même, qui permet à ce Moi (le « self » de Winnicott) de tenir, de continuer à se construire et à se structurer.

Les troubles psychologiques sont, en général, associés à des difficultés scolaires. Ces deux éléments se cumulent et entament considérablement l’estime portée par l’environnement à l’enfant handicapé. Il en résulte une blessure narcissique, une « estime de soi » négative contre lesquelles l’enfant développe des mécanismes de défense qui nuisent à son épanouissement, à la construction de son identité personnelle.

L’un des rôles de l’école est de permettre à l’élève de développer sa personnalité comme le rappelle cet extrait de textes officiels :

« L’école doit permettre à l’élève d’acquérir un savoir et de construire sa personnalité par sa propre activité. »[15]

2.3    La communication

Nous l’avons dit précédemment, l’entretien d’embauche est un exercice de communication difficile. Se présenter correctement nécessite donc un travail et des connaissances dans ce domaine.

 Le mot communication vient du latin communicare qui signifie « entrer en relation avec l’autre ». Communiquer est un acte complexe qui consiste à créer des liens avec des groupes et des individus, mais aussi à transmettre des informations, influencer autrui, se mettre en scène, séduire, se défendre, etc.

La communication est au centre des préoccupations de l’école, comme le rappelle les recommandations officielles[16] : « le développement des compétences de communication et d’expression orale reste un objectif prioritaire ».

Citons aussi Daniel Bougnoux[17], professeur à l’université Stendhal et à l’Institut des sciences politiques de Grenoble : « L’école, cette antichambre de l’espace public, est un autre lieu de communication. Elle arrache l’enfant à la sphère domestique et l’introduit dans un lieu transitionnel, qui n’a pas la dureté du monde du travail mais qui prépare à celui-ci, tout en confrontant les individus à des relations et à des conflits inédits. »

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2.3.1         Communication : aspects théoriques

Les membres de l’école californienne de Palo Alto, Gregory Bateson (1904-1980) et Paul Watzlawick[18] (né en 1921) ont particulièrement travaillé sur la communication interpersonnelle. P. Watzlawick reprend divers concepts de G. Bateson et montre qu’il existe une véritable « logique de communication » composée de différentes règles :

-       Une personne en situation d’interaction ne peut pas ne pas communiquer, puisque même le refus de communiquer constitue un message.

-       Tout message comporte deux canaux distincts : un canal digital (le message verbal) et un canal analogique (le message non verbal). Le contenu d’un canal peut être en harmonie, dysharmonie ou en contradiction avec le contenu de l’autre canal. La partie rationnelle de la communication s’exprimera de préférence par le canal verbal. Les affects et fantasmes inconscients passeront préférentiellement par le canal analogique : les voies corporelles.

-       Le message émis est différent du message reçu : le système de décodage du récepteur peut être différent de celui de l’émetteur ou le récepteur peut ne recevoir qu’une partie du message.

-       Communiquer sur la communication (la métacommunication) n’est possible que si le système est ouvert. Cette ouverture peut provenir de la capacité de chacun des membres à prendre le recul nécessaire ou de l’introduction d’un nouvel élément incitant à la métacommunication.

2.3.2         Le message est souvent équivoque

Communiquer est donc un acte complexe. Si l’on veut mieux communiquer, il faudra tenir compte des faits suivants :

-       Toutes les informations ont un double contenu : un contenu explicite et un contenu implicite. Si je demande à mes élèves en criant moi-même d’arrêter de hurler, je délivre le message que crier peut être un mode d’expression.

-       La sémiologie (la science des signes) montre que tout signe est porteur de multiples sens (souvent cachés). Le mot « château », par exemple, ne renvoie pas seulement à l’idée d’habitation, mais évoque aussi les idées de richesse, de passé, de monuments, etc.

-       Dans le langage courant, nous rencontrons souvent des difficultés à énoncer des messages clairs. Nous utilisons des termes souvent vagues, des phrases incomplètes, des références implicites (« tu vois », « hein ! », « t’imagines ! », etc.). Ces imprécisions détournent le sens de nos pensées.

-       Le canal de transmission contribue aussi à donner à une information une force, une coloration particulière. L’impact d’un message peut être différent selon les supports choisis. Le psychosociologue américain Kurt Lewin (1890-1947) avait montré, dans les années quarante, que les groupes de discussion avaient plus d’impact que les conférences.

-       Le récepteur qui reçoit l’information n’est jamais passif, il ne se contente pas d’enregistrer, il analyse, filtre, décode, interprète… Un message sera d’autant mieux reçu, écouté, compris et mémorisé par le récepteur, s’il touche un centre d’intérêt et s’il n’est pas trop éloigné de la culture et des références courantes de ce dernier.

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2.3.3         Les enjeux de la communication

Communiquer n’est pas seulement transmettre une information comme le veut la théorie de Shannon[19]. Le psychosociologue Alex Mucchielli[20] a repéré cinq enjeux de la communication : l’enjeu informatif ; l’enjeu de positionnement consistant à définir son identité par rapport à autrui ; l’enjeu de mobilisation visant à influencer autrui ; l’enjeu rationnel ; l’enjeu normatif centré sur la régulation des relations elles-mêmes.

 Le premier enjeu de la communication est évidemment de transmettre une information, mais c’est aussi de séduire. L’adolescent qui recherche un stage, un emploi doit « accrocher » son futur patron, le convaincre qu’il est la personne dont il a besoin.

 Pour le sociologue Erving Goffman (1922-1982), une des fonctions importantes de la communication est le maintien de la « face », c’est à dire l’image positive de soi que l’on tente de présenter aux autres à travers le langage, les postures, l’habillement, etc. Il compare le monde social à une scène de théâtre où nous sommes tous à la fois acteurs et spectateurs. Chacun joue un rôle et confirme ou rejette celui joué par autrui. Une vie sociale harmonieuse nécessite de la part de chacun la connaissance de rituels qu’il faut savoir combiner et enchaîner. La collaboration ritualisée entre individus permet de ménager la « face » de chacun et de réguler ainsi la violence interpersonnelle ou institutionnelle qui menace toute vie relationnelle.

Les adolescents rejettent souvent ces rituels par provocation et les élèves de l’enseignement spécialisé les maîtrisent souvent mal. Cette méconnaissance peut avoir des effets dévastateurs : elle crée des dysfonctionnements de la communication qui déclenchent le rejet, la peur, la violence d’autrui. L’enseignant spécialisé, sans pour autant vouloir inculquer des rituels stéréotypés, doit armer ses élèves pour qu’ils puissent en toute dignité jouer leur rôle dans la société. L’un des aspects de la préparation aux entretiens professionnels consiste à familiariser les adolescents avec certains de ces rituels, à les aider à présenter une « face » adaptée à la situation.

2.3.4         Communication et handicap

Les troubles de la communication peuvent être soit instrumentaux soit fonctionnels. Les troubles instrumentaux sont liés à une atteinte ou une anomalie de la compétence organique, ils ne sont pas du ressort de l’enseignant qui ne doit pas pour autant les ignorer. Les troubles fonctionnels sont d’origines très diverses et sont liés à la performance énonciative : l’enfant ou l’adolescent a intégré un certain nombre de codes et de règles transactionnelles mais il n’arrive pas à s’en servir de façon satisfaisante.

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2.4    La vidéo

La vidéo est un des moyens modernes de communication, elle est une technique d’enregistrement, de production, de transport, de conservation, de reproduction d’images animées et de sons utilisant l’écran de télévision comme terminal. Elle semble donc être un outil pédagogique particulièrement adapté à la préparation aux entretiens professionnels. Facile à mettre en œuvre, elle permet de saisir l’instantané (la vidéographie) puis de le restituer rapidement (la vidéoscopie) avec une grande souplesse d’utilisation (pause, marche avant, arrière…). De plus, elle est soutenue par les programmes et rapports officiels :

-       « Les technologies de communications se sont répandues et sont entrées dans les familles. Les jeunes en sont devenus de grands utilisateurs en dehors de l’école. Elles peuvent les aider dans leur travail scolaire. Par ailleurs, ces technologies s’insèrent de plus en plus dans les entreprises et doivent participer activement à la formation »[21]

-       « Vivant dans un monde foisonnant d’images, qu’elles soient graphiques, photographiques, télévisuelles, cinématographiques ou numériques, les enfants s’en montrent grands amateurs. Prenant en compte cette situation de fait, l’école a pour rôle de les accompagner dans la découverte, l’exploration, la compréhension et la production d’images »[22].

2.4.1         La vidéographie

Nous définirons la vidéograhie comme l’étape d’enregistrement par la caméra des images vidéo (l’utilisateur peut filmer ou être filmé).

 Dans notre environnement, la caméra appartient à un univers socialement et culturellement très valorisé : celui du cinéma et de la télévision. Les enfants et adolescents sont donc naturellement attirés et motivés pour l’utiliser.

 Monique Linard et Irène Prax[23] ont montré que lorsque des sujets isolés sont laissés livrés à eux-mêmes sans tâche définie face à une caméra, la vidéo réactive des mécanismes de défenses liés pour une bonne part à la personnalité. Chez certains, elle réveille une angoisse ou un malaise réels. Par contre, lorsque les sujets sont occupés, la prégnance de la tâche fait disparaître ces réactions personnelles qui pourront réapparaître au niveau du discours dans les discussions et entretiens en situation de vidéoscopie.

 Lorsqu’une personne est consciemment en situation de vidéographie face à une caméra, elle se retrouve en position d’acteur. Simuler un entretien professionnel, aussi réaliste que soit le contexte, reste un jeu, une prestation théâtrale. Le jeu fait apparaître une zone intermédiaire entre la subjectivité et l’objectivité, ayant un « espace-temps » propre, que Winnicott[24] appelle « espace transitionnel ». L’aire de jeu devient une aire de compromis qui permet de maintenir à la fois reliées et séparées réalité intérieure et réalité extérieure. Elle est le passage entre le Moi et le non Moi. Elle aide à la prise de conscience progressive de la réalité extérieure et permet donc d’affirmer l’existence d’un Moi comme réalité physique et psychique. La vidéographie incite au jeu et permet à l’adolescent de tester ses conduites, de se confronter aux autres, d’apprendre à se connaître, de prendre confiance en soi.

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2.4.2         La vidéoscopie

Nous définirons par vidéoscopie la phase où les images enregistrées par la caméra sont visionnées sur l’écran de télévision, permettant ainsi observations, examens ou analyses. L’autoscopie est le fait de se voir soi à l’écran mais elle est autre chose que le miroir. Contrairement à ce dernier, la vidéo a la spécificité de conserver, de me déposséder de mon image. Devant le miroir, je reste maître de mes apparitions et disparitions. La vidéo conserve et me dépossède de mon image, mon corps n’est plus qu’un objet parmi d’autres, se déplaçant dans un espace dont mon œil n’est plus l’organisateur central. La caméra capte et restitue mon apparence pour les autres et non pas ma représentation pour moi-même comme face au miroir.

 Si l’on s’en réfère aux expériences menées par M. Linard et I. Prax, l’autoscopie comme outil d’autocorrection est perçue comme extrêmement positive et stimulante en dépit du « choc du début » auquel on s’habitue assez vite. Elle est appréciée comme aide à la « prise de conscience » et à la perception des décalages entre l’image que l’on a de soi et celle qu’en ont les autres. Elle a un effet positif sur la relation à la tâche. Il semblerait que les élèves soient plus libres dans l’extériorisation de leurs sentiments. Ils se sentent plus égaux entre eux et n’ont, par conséquent, pas de statut d’autorité à défendre. Ils échangent plus facilement sur leurs erreurs et aspects communs[25].

Malheureusement, certains effets de l’autoscopie sont parfois non perceptibles et dangereux. L’utilisation de la vidéoscopie présuppose chez les individus un équilibre et une capacité d’adaptation minimale pour éviter chez les sujets d’identité fragile des phénomènes de rupture incontrôlable ou chez les sujets mieux équilibrés donc plus résistants, un renforcement des mécanismes de défense qui les rendra insensibles aux effets du feed-back[26].

 Parce que la situation d’autoscopie favorise la régression narcissique, elle est utilisée par certaines techniques psychothérapeutiques. La confrontation du patient à sa propre image, provoque chez ce dernier un retour à des étapes antérieures et permet de faire surgir des problématiques infantiles.

 La vidéo, en reproduisant images et sons, crée une autre dimension, une rupture avec le réel : la personne qui se regarde est à la fois ici (en elle) et là-bas (sur l’écran), déformée (plus grosse, plus petite), morcelée (gros plans du visage, d’une main…), agissante en différé dans une chronologie parfois modifiée… Cette expérience du double dans cette autre dimension peut être à l’origine d’un sentiment de dépersonnalisation.

 Depuis la nuit des temps est véhiculée l’idée qu’il existe un système de communication entre l’individu et sa représentation, son double. Dans les religions, on s’adresse à l’éffigie du dieu pour entrer en communication avec lui ; certaines croyances utilisent la statuette, la photo d’une personne pour la guérir, lui porter préjudices...

Le « double vidéo » est manipulé par la caméra, le camescope, le magnétoscope. Il est modifié, déformé, il peut être effacé, détruit. On comprend alors les angoisses qui peuvent naître chez les personnes qui s’identifient à leurs représentations.

 Un groupe classe n’est pas un groupe de thérapie. L’enseignant, car ce n’est pas son rôle, ne peut pas entreprendre « d’interpréter » en profondeur les processus de ses élèves. Il tomberait dans la manipulation ou l’analyse sauvage, et déclencherait des phénomènes dont il perdrait rapidement le contrôle. Pour ne pas tomber dans ces dérives, et peut être plus particulièrement dans l’AIS[27], la marge de manœuvre de l’enseignant qui utilise la vidéoscopie en situation d’apprentissage est étroite. Elle nécessite prudence et une pédagogie adaptée.

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2.4.3         Utiliser la vidéo : un choix pédagogique

La vidéo, en situation de formation, ne crée rien par elle-même. Elle est surtout un catalyseur puissant qui accentue toutes les potentialités (positives ou négatives) du groupe ou des personnes. Au niveau du groupe, monopolisé ou non par l’enseignant, elle reste un renforçateur de pouvoir pour ce dernier. Un pouvoir subtil au niveau d’un « droit de regard » sur les autres auquel il échappe lui-même par son statut[28].

Un enseignement utilisant la vidéo ne sera positif que si le maître n’a pas le monopole exclusif de l’outil technique, de l’évaluation et de l’interprétation, que s’il n’a pas le privilège d’échapper lui-même à la caméra. L’enseignant qui, sans vouloir tomber dans l’autoritarisme ou le « laisser tout faire », utilise la vidéo fait un véritable choix pédagogique : celui de la médiation. Il ne se contente plus de transmettre des connaissances. Il aide l’élève, en partant de la réalité de classe, à prendre conscience de son fonctionnement. Par la généralisation et le transfert, il développe l’autonomie de l’élève. La vidéo favorise les interactions entre l’élève, son groupe de pairs, le savoir et l’enseignant.

Dans l’optique de travailler sur l’entretien professionnel, qui reste avant tout un exercice de communication, il faut que les personnes concernées puissent prendre du recul sur leur prestation. Or, on le sait, c’est une démarche compliquée, difficile, et peut-être plus particulièrement pour des enfants ou adolescents en difficulté et/ou handicapés. L’introduction d’un élément extérieur, la vidéo en l’occurrence, facilite cette mise en œuvre. En se voyant à l’écran, les élèves peuvent dialoguer, débattre, analyser leurs performances, communiquer sur la communication : accéder à la métacommunication.

 

En résumé, travailler la préparation aux entretiens professionnels, c’est travailler sur la communication et sur son identité personnelle. C’est à dire, pour le maître D, restaurer chez l’adolescent handicapé une image positive de soi, lui donner les moyens de communiquer qui il est réellement, son projet professionnel. La vidéo, utilisée avec précautions, est un outil adaptée à ce travail, mais nécessite, chez l’enseignant, une pratique pédagogique axée sur la médiation.

 

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3        Approche pratique

3.1    Le cadre général de l’expérimentation

3.1.1         L’établissement

L’Institut Médico-Educatif Départemental (IMED), Fondation Hardy, accueille 110 enfants et adolescentes qui présentent une déficience intellectuelle parfois associée à des difficultés sociales, affectives, psychologiques… Les filles sont âgées de 6 à 20 ans et les garçons de 6 à 14 ans. Actuellement, 40 filles et jeunes filles sont prises en charge en internat de semaine et 70 filles et garçons en demi-pension.

L’Institution est un établissement public hospitalier régi par les dispositions de la loi du 15 avril 1909, de l’arrêté ministériel du 7 juillet 1957, des articles 19 et 22 de la loi n° 89-798 du 27 Octobre 1989 portant modification des annexes XXIV.

Les locaux sont neufs. Depuis 1998, il ne reste plus de vieux bâtiments souvenirs de la donation que Mr et Mme Hardy avaient effectuée, en 1905, pour la création d’un orphelinat.

3.1.2         Le projet d’établissement

L’IMED a la volonté de s’adapter au projet personnel de chaque enfant en mettant en œuvre, avec cohérence, les moyens humains et matériels dont il dispose. Le but est d’offrir à l’adolescent un avenir positif, en tenant compte des contraintes extérieures (environnement familial, contexte socioprofessionnel…).

L’établissement définit ce projet, sur sa brochure de présentation, comme suit : « Tenter de donner aux jeunes de notre Institution toutes les chances et les moyens de s’intégrer au mieux dans notre société ».

3.1.3         La classe

La classe est dirigée conjointement par deux instituteurs maîtres D : Patrick et Jean-Michel. Un projet commun, la volonté de travailler ensemble, leur permettent de réunir leurs élèves, créant ainsi 2 groupes de 14 adolescentes âgées de 13 à 19 ans. Les élèves alternent, une semaine sur deux, scolarité et stage en atelier (pour les plus jeunes) ou en entreprise (pour les plus âgées).

S’inscrivant dans le projet de l’Institution, les enseignants axent leur pédagogie sur l’intégration, et par voie de conséquence, sur la communication et l’acquisition de l’autonomie. Le projet éducatif est individuel, il est construit avec l’adolescente dans une volonté de la rendre actrice dans la construction de son avenir. Les « rapports de stage » font partie intégrante de la pédagogie mise en œuvre. Chaque semaine, les situations nouvelles, les difficultés rencontrées dans le milieu professionnel, sont reprises, comparées, interprétées, analysées avec le groupe. Chaque élève tente de verbaliser, de communiquer ses expériences, ses représentations afin d’identifier les transformations à leur apporter pour réajuster ses actions, ses comportements… Le groupe est ainsi le tuteur de chacune, sur lequel l’adolescente peut s’appuyer pour progresser. Il devient, par la diversité des expériences individuelles, un représentant du monde extérieur, un garant de la réalité.

Les contenus de savoir liés au français et aux mathématiques sont abordés, en lien avec les situations pratiques vécues sur le terrain.

3.1.4         Le projet dans la classe

Mon projet s’insère dans le projet pédagogique des deux enseignants. Il apporte une nouvelle dimension au travail effectué actuellement. En effet, savoir se présenter devant un patron représente le premier indice de normalité sociale d’un individu. C’est l’une des premières étapes de l’intégration professionnelle à franchir. Dans le fonctionnement de la classe, c’est le groupe, sous le contrôle des enseignants, qui renvoie à l’élève une représentation de ses démarches, de ses comportements... La vidéo peut apporter, à chaque adolescente, un regard nouveau, donc complémentaire, sur sa pratique. Elle peut être un tremplin supplémentaire pour apprendre à se connaître.

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3.1.5         Les hypothèses de travail

Basée sur la préparation des élèves d’IME à leurs futurs entretiens professionnels, l’expérimentation mise en œuvre dans ce mémoire tente de vérifier l’hypothèse suivante :

-       La vidéo peut aider des élèves à mieux communiquer.

Les hypothèses sous-jacentes sont :

-       La vidéo permet une meilleure connaissance de soi.

-       La vidéo permet la restauration d’une image plus positive de soi.

-       La vidéo permet de s’approprier des méthodes de travail, d’organisation, pour se préparer aux entretiens professionnels.

3.2    Le cadre de l’expérimentation

L’utilisation de la vidéo, notamment avec des adolescents d’AIS, si elle est utilisée sans précautions, peut comporter certains dangers (voir § La vidéoscopie 2.4.2). Pour ne pas outrepasser mon rôle d’enseignant, afin de limiter au maximum les débordements, les angoisses, les dérives, je me suis attaché à définir un cadre précis.

3.2.1         Le lieu

Les tournages se déroulent dans la salle de classe pour bien montrer, de manière symbolique, que nous sommes dans une activité pédagogique. La classe est aussi un lieu familier, rassurant et contenant pour les adolescentes.

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3.2.2         Le déroulement des séances

La durée moyenne de chacune des séances est de deux heures. Ce temps se décompose en quatre périodes : la vidéographie, la coupure, la vidéoscopie et la conclusion.

3.2.2.1       La vidéographie

La vidéographie est la période pendant laquelle on se fait filmer. Elle dure environ une heure. Elle commence par le rappel de la séance précédente et de ses enseignements, des objectifs que chacune des adolescentes s’est fixé (voir § Conclusion 3.2.2.4). Ces derniers sont repris et verbalisés de nouveau. Ensuite, la caméra est mise en route avec un retour direct sur la télévision pour permettre aux jeunes filles de repérer le champ et les angles de prise de vues. Elles testent l’image renvoyée sur l’écran et choisissent leur place. Enfin, arrive le temps du tournage proprement dit. Il est effectué dans le calme. Les volontaires effectuent leur prestation à tour de rôle, à un moment qui leur convient. Il est possible d’effectuer plusieurs essais.

3.2.2.2       La coupure

C’est la récréation qui fait office de coupure. Elle permet à chacune d’évacuer les tensions et le stress emmagasinés pendant la vidéographie. Ce temps va aussi stimuler les adolescentes à repenser, à imaginer leur prestation. Elles fabulent, fantasment, se créent des représentations.

3.2.2.3       La vidéoscopie

La vidéoscopie est la période où l’on visionne, face au groupe, ce qui a été filmé pendant la vidéographie. Elle commence par une première projection faite sans interruption. Les adolescentes sont avides de se voir. Elles confrontent les représentations qu’elles ont de leur travail avec celle que va leur renvoyer la vidéo. Ensuite, ce qui vient d’être vécu ou vu est mis en mots. Le groupe analyse, félicite, conseille et définit si la prestation est conforme. Chaque jeune fille, avec et face au groupe, affine ses objectifs. Une deuxième projection est effectuée, moins émotionnelle. Elle permet, grâce à ce qui vient d’être dit, une lecture différente, un autre regard sur soi. Elle contribue à l’élaboration d’une nouvelle représentation plus objective de son travail.

Grâce à la vidéoscopie les séquences sont décortiquées, découpées. Les représentations de soi chargées d’affects sont converties en une succession d’éléments impersonnels de communication. Elles deviennent une base de données collective d’illustrations techniques, à partir de laquelle chaque adolescente se crée des représentations, se forge une expérience et peut réajuster son travail.

3.2.2.4       La conclusion

Chaque personne du groupe, à tour de rôle, donne, en quelques mots, ses impressions sur la séquence du jour et fixe son ou ses objectifs pour la séquence à venir. Je les écris pour les énoncer au départ de la prochaine vidéographie. En guise de conclusion, je pointe les enseignements que nous avons tirés des différentes prestations pour les généraliser. L’expérience individuelle prend un sens différent, elle s’élargit pour devenir une expérience collective.

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3.2.3         La charte

Lors des séances de préparation (voir § 3.5), nous avons défini conjointement avec les élèves un certain nombre de règles, une sorte de charte :

-       Pendant les tournages, la caméra reste toujours sur pied. Le champ, l’angle de prise de vue ne sont pas modifiés.

-       Seules les volontaires sont filmées.

-       Les conditions de tournage (champ, cadrage, angle de prise de vues…) sont définies et négociées avec l’enseignant au début de chaque vidéographie (voir 3.2.2.1).

-       Les adolescentes sont toujours prévenues clairement du début (« silence, on tourne ») et de la fin (« coupé ») de chaque prise de vues.

-       Les allées et venues pendant les séquences seront limitées au strict minimum.

-       Chacun s’engage à ne pas se moquer des personnes filmées, à se taire pendant les tournages.

-       Les vidéographies ou vidéoscopies sont momentanément interrompues lors de l’intrusion d’une personne extérieure au groupe.

-       Les commentaires effectués pendant les vidéoscopies ne sont fait que dans un but constructif, positif pour la personne concernée et dans le cadre d’un travail sur la communication.

-       Les cassettes vidéo ne sont montrées à personne sans une autorisation préalable de l’ensemble du groupe.

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3.3    Les adolescentes

Bien que j’effectue mon expérimentation avec l’ensemble des adolescentes du groupe, je ne décris que le travail, les réactions de quatre jeunes filles (Natacha, Virginie, Christine et Gladys). Elles ont toutes des problèmes scolaires importants et de grosses difficultés familiales qui entravent leur processus d’apprentissage.

Mon travail est axé sur l’intégration et donc sur l’accession à une « normalité ». Sans pour autant l’ignorer, il ne m’est pas nécessaire de me pencher précisément sur l’anamnèse de ces élèves dont la plupart sont déjà des jeunes femmes. En effet, ce qui m’intéresse, c’est l’image qu‘elles peuvent renvoyer aujourd’hui à l’extérieur de l’établissement.

-       Natacha est interne. Elle est âgée de 17 ans, fait partie d’une fratrie de treize enfants dans laquelle elle a beaucoup de mal à trouver sa place. Elle est très grande et relativement forte. Natacha est vive et gaie. Elle a beaucoup de personnalité. En lecture, elle déchiffre approximativement mais accède au sens.

-       Virginie, 19 ans, a été victime de violences sexuelles. Elle est très dévalorisée par sa famille, notamment par sa mère. Virginie est très inhibée, renfermée. Elle possède une image très négative d’elle-même. Son agressivité, ses colères et crises semblent diminuer. Elle lit relativement bien mais a des problèmes de compréhension.

-       Christine est une très jolie jeune fille de 17 ans qui a de grosses difficultés de communication. Elle est inhibée, souvent seule. En classe, elle est présente mais attentiste. Bien que la lecture soit fluide, il y a des difficultés de compréhension. En 1995, Christine a été orientée en SEGPA. Cela s’est très mal passé.

-       Agréable et souriante, Gladys a 15 ans. Elle est originaire du Bénin. Elle a perdu son père et vit désormais avec sa mère, ses quatre frères et sœurs. Gladys a de fréquentes phases de déprime. Elle somatise énormément. Elle est bonne lectrice.

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3.4    Travail et progression

Les adolescentes ne fréquentent la classe qu’une semaine sur deux, mes interventions sont donc limitées au nombre de huit (deux « séances préparatoires » et six « séances vidéo »). Les référentiels sur lesquels je me suis appuyé pour définir mes objectifs sont ceux du CAP[29] , en français. Ils correspondent à l’âge et donc aux préoccupations des jeunes filles. Bien qu’il existe un projet collectif (se préparer aux entretiens professionnels en utilisant la vidéo), l’hétérogénéité des niveaux et des problématiques ne me permet pas de définir une progression commune à l’ensemble du groupe. Chaque adolescente, au fil des séances, affine son projet en fonction de ses capacités. Avec ma collaboration et celle de ses pairs, elle se fixe des objectifs qu’elle peut atteindre, qui correspondent à ses possibilités du moment. La jeune fille prend ainsi confiance en elle et progresse en se lançant de nouveaux défis. Chaque adolescente travaille parallèlement selon trois axes ; chacun fait l’objet d’une progression : la technique de communication, l’entretien individuel et le contenu de l’intervention (le curriculum vitae). Ce dernier point est aussi travaillé avec les deux instituteurs de la classe car il nécessite du temps et une phase d’écriture.

Mon rôle d’enseignant ne se cantonne donc pas à la seule transmission de connaissances sur la communication. En proposant, en modifiant les conditions de tournage (cadrage, taille du groupe etc.) j’agis sur l’environnement. Je crée de nouvelles situations auxquelles les adolescentes doivent faire face. Je les accompagne, en les encourageant, en donnant du sens à ce qu’elles font. Je leur demande d’anticiper sur les séances à venir, de définir des objectifs et d’élaborer des stratégies.

3.5    Les séances de préparation

Je qualifie ces séquences de préparatoires, car le travail sur l’entretien d’embauche n’est pas encore abordé. Ces séances me permettent de prendre contact avec le groupe, de présenter le sens et le cadre de mon intervention, de démystifier et de dédramatiser la vidéo et surtout de créer une ambiance de travail axée sur la confiance et le plaisir. Ce dernier point est particulièrement important.

Pendant la première séance, j’effectue une « présentation technique » de la vidéo (principe, fonctionnement et possibilités). Je propose ensuite aux adolescentes de manipuler le camescope, et de filmer des objets ou des paysages. Certaines jeunes filles (dont Gladys), se feront filmer à mon insu.

Durant la deuxième séance, je projette des « bêtisiers » qui présentent des professionnels de la télévision ou du cinéma en difficulté (fou-rires, ratés…). Ce moment très apprécié des adolescentes me permet d’enchaîner sur une discussion et de montrer que la difficulté de se faire filmer et l’impression d’étrangeté que procure le fait de se voir sont communes à tous. Nous parlons aussi de nos futures séances et décidons, pour rassurer tout le monde, de définir des règles qui devront être appliquées systématiquement (voir § La charte 3.2.3).

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3.6    La première séance

Ce matin, quand je rentre dans la classe, je sens de l’excitation dans l’air. « Franck, c’est aujourd’hui qu’on se filme ? ». Lorsque je réponds oui, que nous l’avons décidé tous ensemble la fois précédente, les réactions sont immédiates. Les cris, les remarques, les questions fusent, laissent apparaître impatience et appréhension. Le retour au calme effectué, je propose de faire avec les volontaires un tour de table : chacun à tour de rôle doit se présenter, comme on le fait au début d’une réunion professionnelle. Le matériel est installé (le champ de la caméra couvre environ les deux tiers de la salle de classe). Les adolescentes en utilisant le retour direct momentané de l’image sur la télévision choisissent leur place. « Ca y est, tout le monde est installé ? Alors qui commence ? ». Les regards se croisent, quelques rires nerveux éclatent, on tousse, on s’épie puis le silence se fait. Je sens que certaines, malgré leur envie, n’osent pas faire le premier pas. Je montre donc l’exemple. Des sourires apparaissent, l’atmosphère se détend peu à peu. Je termine mon intervention et réitère mon invitation. Vanessa accepte cette fois-ci sans hésitation. Ca y est, la caméra semble provisoirement oubliée, les jeunes filles se présentent à tour de rôle, en général de façon brève : prénom, nom, âge (toutes se présentent, trois le font hors du champ de la caméra).

 Gladys s’est assise dans l’axe de la caméra qu’elle regarde durant toute son intervention.

« Je m’appelle Gladys, j’ai quinze ans, j’habite au Mée. Euh !… J’ai trois frères et une sœur. Euh !… Papa est décédé quand j’avais dix ans… J’ai un copain et euh… Ben, c’est tout ! »

Natacha est placée sur le côté, en dehors du champ de la caméra, elle peut malgré tout y apparaître en se penchant vers l’avant. Pendant son intervention, elle regarde fixement le crayon qu’elle a dans les mains en se balançant sur sa chaise. Elle parle fort. Elle se fera discrètement filmer pendant que ses camarades se présentent. « Je m’appelle Natacha B. J’habite à Meudon. Euh… J’ai des frères et sœurs : douze ». Elle sera interrompue par des rires et ne continuera pas.

Durant son intervention Virginie est courbée sur sa table, les cheveux sur le visage. Elle joue nerveusement avec sa trousse. Elle parle très faiblement (sa voix ne pourra être entendue à l’enregistrement). « Je m’appelle Virginie F…. c’est tout ! ».

Christine s’est assise le plus possible sur le côté. Elle se cache derrière ses longs cheveux, la tête dans sa main, le coude sur la table. Elle parle assez faiblement et regarde une de ses camarades. « Je m’appelle Christine, j’ai 17 ans. »

 L’exercice aussitôt terminé, les adolescentes réclament avec empressement de voir l’enregistrement. Malgré leur insistance je leur demande de descendre en récréation. Elles remontent aujourd’hui plus tôt que d’habitude ! Pendant la projection, toutes les jeunes filles sont très attentives et le plaisir de voir ses camarades à l’écran semble général. Par contre, lorsqu’elles se voient personnellement, les réactions sont très différentes. Natacha qui rigole beaucoup en regardant les autres, sombre dans une apparente indifférence lorsqu’elle apparaît à l’écran. Gladys, au contraire, manifeste un grand bonheur. Virginie se cache derrière ses mains et regarde l’écran à travers ses doigts écartés alternant grimaces et sourires. Christine ne change pas vraiment d’attitude et paraît toujours amusée. Après cette première projection, leurs commentaires sont rares et pauvres. Je dois donc repasser l’enregistrement en leur précisant de se concentrer sur leurs attitudes et le contenu de leur intervention. Cette fois-ci les remarques sont plus nombreuses et intéressantes.

Gladys remarque ses hésitations, les blancs qu’elle laisse. Il lui est reproché de préciser qu’elle a un copain, de raconter sa vie.

Natacha dit être satisfaite de son intervention (elle n’apparaît pas à l’écran, seule sa voix est enregistrée). Le groupe lui pointe qu’elle commente allègrement les prestations des autres alors qu’elle refuse d’être filmée, qu’elle se montre quand ce n’est pas son tour.

Virginie admet qu’elle ne peut s’entendre. On lui dit qu’elle ne regarde pas la caméra.

Christine affirme qu’elle est contente d’elle. Ses camarades lui soulignent qu’on ne pouvait voir son visage.

 L’analyse des prestations est terminée. Je demande à chacune, en guise de conclusion, de donner ses impressions et de se fixer des objectifs pour la prochaine fois. La majorité des adolescentes, à l’image de Cindy, semble avoir apprécié : « C’est dur mais c’est bien ! ». Certaines font remarquer qu’elle n’ont rien à dire. Une rapide discussion s’engage et nous amène à constater qu’il est nécessaire de penser au préalable ce que l’on veut dire et donc peut-être de l’écrire. Les jeunes filles ont tenu compte des remarques faites pendant la vidéoscopie et réussissent globalement à les énoncer comme objectifs pour la prochaine séquence.

Gladys : « Heu ! Faut pas qu’je parle de Sébastien (son petit ami)… Faut que je parle moins vite ».

Natacha : « Non rien, c’était bien. » J’interviens : « Tu ne t’es pas fait filmer, tu le feras la prochaine fois ? » Elle répond : « Ouais… Je peux le faire si je veux ! »

Virginie : « Il faut que je parle plus fort. »

Christine : « Je dois regarder la caméra. »

Je conclue la séance en les félicitant et en précisant que j’espère qu’elles se feront toutes filmer la prochaine fois. Je rappelle aussi que nous avons remarqué, que pour avoir un discours cohérent, pour éviter les hésitations…, il est nécessaire de préparer les interventions, de savoir à l’avance ce que nous avons l’intention de dire.

En tenant compte de cette remarque, la séance suivante, nous avons travaillé sur le contenu même de l’entretien professionnel. Nous avons collectivement élaboré un « document référence » (voir Annexe 1). Il liste les différents points importants qui peuvent apparaître dans leur présentation. Les jeunes filles pourront s’y référer pour penser ou écrire leur entretien.

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3.7    La troisième séance

Aujourd’hui, c’est « Francredi »[30] et comme à chaque fois je suis accueilli par les mêmes questions et réactions : « Tu vas nous filmer ? » ; « On va se voir ? »… C’est devenu un rituel dont les jeunes filles semblent avoir besoin pour se mettre en condition. Ce matin, c’est Natacha qui veut commencer la vidéographie. Elle accepte un cadrage rapproché. Elle est assise seule, face à une table, au centre de la pièce. Elle a discrètement posé face à elle, sur la table, le document « Préparer un entretien professionnel » (voir Annexe 1). Elle a les mains croisées, les jambes bougent beaucoup et la voix est traînante. « Bonjour ! Je m’appelle Natacha . Euh ! J’ai dix sept ans ! Je suis à l’école de Fontenay Trésigny ! ». Je retourne sa feuille pour qu’elle ne puisse plus lire. « Ah ! Non, non, non ! Ah non ! Alors, je ne le fais plus ! ! ! ». Elle quitte sa chaise et le champ de la caméra.

Gladys qui s’était aussi portée volontaire pour passer la première vient s’asseoir au centre de la pièce le sourire aux lèvres. Pendant le tournage, ses yeux bougent de droite à gauche rapidement, elle a tantôt ses mains croisées, tantôt une main nerveuse qui touche sa figure. Elle a les jambes parallèles. « Bonjour ! Je m’appelle Gladys B. , j’ai quinze ans ! ». Elle éclate de rire. Je coupe et lui propose de recommencer. « Bonjour ! Je m’appelle Gladys B., j’ai quinze ans !  Euh !…J’habite au Mée sur Seine. Mon numéro de téléphone : 01 64 … . J’ai trois frères et une sœur et … j’ai, j’ai fait un stage de cuisine dans un collège à Fontenay Trésigny. Euh ! » Elle ferme les yeux. Silence. Elle met la main sur son visage. « Euh ! Ce que j’aime bien, c’est chanter, aller à la piscine, aller voir les copains… Faire la cuisine, ranger ma chambre, faire l’ménage ! Mes défauts, euh, j’suis tête en l’air. j’suis fainéante… » Elle rigole. « Des fois , j’ai du mal à accepter ce qu’on m’dit. Mon projet professionnel … Et ben, c’est… Euh ! Ben je sais plus… ».

Virginie, lorsque vient son tour, veut se faire filmer à sa place. Pendant l’entretien, elle regarde vers le bas et ne jette que des regards furtifs vers la caméra. Elle a les coudes sur la table. Elle parle très bas. « Bonjour ! Je m’appelle Virginie, j’ai dix neuf ans. J’habite à Meaux. J’ai fait plusieurs stages, euh ! Mon caractère ? C’est un mauvais caractère déjà. Têtue de temps en temps… Et puis, c’est tout. Mes qualités, c’est…Fais beaucoup d’efforts… Je communique un peu… Bon, je sais plus… »

Christine est la dernière à passer. Elle est assise au centre de la pièce, les mains sous la table. Elle évite du regard la caméra. Ses longs cheveux lui cachent une partie du visage. « Je m’appelle Christine. J’ai dix sept ans. Je suis actuellement en stage chez un fleuriste, une semaine sur deux et ça se passe bien. » Silence. « Je suis à l’aise avec les clients. ». Elle s’interrompt et demande que je coupe.

Aujourd’hui, pour la deuxième fois consécutive, toutes les jeunes filles sont passées devant la caméra. Pour la première fois, elles acceptent toutes de se faire filmer seule et de façon rapprochée. Environ la moitié refuse de venir parler au centre de la pièce et préfère s’exprimer à sa place. La grande majorité des adolescentes ont préparé leur intervention, ont écrit.

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3.8    La dernière séance

(Depuis la quatrième séance, j’ai abandonné la vidéograpie devant l’ensemble du groupe. Cela est trop long. Les adolescentes ont logiquement des difficultés à se concentrer sur toutes les prestations de leurs camarades. Le groupe freine alors plus qu’il ne porte. De plus en réduisant le nombre de personnes je me rapproche des conditions d’un véritable entretien professionnel.)

 Ce matin, après le classique rituel de mise en route, j’annonce aux jeunes filles que nous allons effectuer notre dernière séance. Malgré les un ou deux « chouette ! », « ouais ! » qui fusent dans la classe, je sens bien que la nouvelle ne les réjouit pas particulièrement. Lorsque je demande quelles sont les trois qui veulent constituer le premier groupe, les volontaires sont plus nombreuses qu’à l’accoutumée.

 C’est Virginie qui veut commencer aujourd’hui. Le cadrage est rapproché. Elle est assise jambes croisées et se balance légèrement d’avant en arrière, les mains croisées sur la table. « Bonjour, je m’appelle Virginie, j’ai 19 ans, je suis issue dans une école spécialisée. J’ai fait plusieurs stages. Plusieurs stages, c’était à l’hotel 1ère classe à Nanteuil les Meaux. J’ai fait les lits, j’ai lavé les salles de bain, les toilettes, j’ai lavé par terre, j’ai rangé les draps. Après, j’ai fait un autre stage à la Hall aux vêtements, j’ai rangé les vêtements, les cintres, j’ai fait l’aspirateur, j’ai lavé les miroirs, euh ! les carreaux. J’ai fait… qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai fait aussi un stage Champion à  Nanteuil les Meaux. J’ai rangé les rayons, j’ai fait les « Fashings ». Euh !… J’ai fait un stage à Intermarché à Fontenay Trésigny, j’ai fait aussi les « Fashings ». J’ai rangé les rayons, j’ai fait pareil qu’à Champion. J’ai fait un stage à Gigastore à Bauval. J’ai fait un stage à la viennoiserie à Mareuil les Meaux, j’ai fait les croissants, les pains aux chocolats, les briochettes… En fait j’ai fait juste de la manu…  manutention. Et puis là je finis mon stage à Boutigny dans une usine de assistance, euh… cosmétique assistance et je fais aussi de la manutentionné …manutention. J’ai mis en place les shampooings les parfums j’ai fais aussi les trousses d’Agnès B, les tests de grossesse. Et puis voilà. Ben, mes loisirs c’est l’ordinateur, faire du traitement de texte, faire les photos, les images… et puis c’est tout. »

 Christine fait aussi partie du premier groupe. Elle regarde la caméra, jambes croisées, les mains sous la table : « Euh ! Bonjour ! je m’appelle Christine. Euh ! le premier stage que j’ai fait c’était en coiffure. C’était une semaine sur deux. Je faisais les shampooings, euh, par contre je ne coiffais pas les gens. Je faisais… je répondais au téléphone, je prenais les rendez-vous, je leur demandais si c’était pour une coupe ou un brushing et puis je sais plus ce que je faisais, j’enlevais leur manteau, je leur mettais leur peignoir, j’leur mettais une serviette, j’leur proposais un café ou un thé ou un livre. Là, le deuxième stage que j’ai fait, là, c’est toujours la même ville, mais à la Ferté-sous-Jouarre une semaine sur deux aussi, je fais des bouquets, je renseigne les clients, je leur demande si c’est pour offrir, un anniversaire. Par contre ce n’est pas moi qui encaisse les sous, c’est la patronne… et puis là ça me plaît bien. Et puis y a une bonne ambiance, plus qu’en coiffure. Ce stage est un peu moins bien. Sinon, là où je suis, j’suis bien. Ce que je souhaiterais, c’est qu’elle m’embauche et puis voilà. »

 Natacha  fait partie du deuxième groupe. Elle parle fort et avec les mains : «  Bonjour, je m’appelle Natacha, j’ai 17 ans. Je suis à l’école de Fontenay Trésigny, euh dans, ça s’appelle, l’Institut Médico Educatif Départemental, c’est une école spécialisée où-ce que les personnes ont du mal à apprendre, donc on va là-dedans, on va à l’école et on apprend. Et aussi on fait des stages pour avoir un métier, pour savoir quel métier qu’on veut faire donc on va dans des lieux de stage. Et moi j’ai fait des stages dans plusieurs sections . En aide de cuisine. Moi mon métier plus tard si ça pourrait être possible, ce serait la cuisine. Alors avec dans les stages j’ai apporté à faire beaucoup beaucoup de choses. Alors j’ai fait un stage en Disneyland Paris, à Disney, où j’ai  effectué un ? de cuisine. Ils sont alors, j’ai été deux semaines mais là alors ils sont d’accord de me prendre un mois ou deux. C’est à moi de  décider. Moi je vais prendre plutôt vers deux mois parce que sur mon cahier de stage c’est marqué « pouvez-vous embaucher cette demoiselle : à voir » Alors j’ai dit, j’ai discuté avec mademoiselle D. elle s’occupe des stages, si ça pourrait être possible de prendre deux mois ? Alors elle a dit on va prendre contact avec la personne qui travaille chez Disney… pour… (elle rigole…) Désolée ! Et du coup, … Ensuite… Il y a plusieurs ateliers, moi dans la cuisine on apporte qu’on fait à manger pour nous, on fait des pâtisseries Euh ! … Tous les 6 mois, y’a un monsieur de l’AFPA[31] qui vient nous faire passer un  petit diplôme donc là, j’en passe un le vingt deux février, c’est ça ? vingt deux mars ! Euh ! Comme ça pour nous on peut se présenter chez un patron et avec ça il peut nous embaucher. Ben, c’est tout je pense…voilà c’est tout au revoir. »

De puis quelques semaines Gladys est absente.

Je propose au groupe, en guise de conclusion, d’effectuer une vidéoscopie différente de d’habitude. Je leur soumets l’idée de visionner successivement leur première entretien et celui d’aujourd’hui (le dernier). Elles semblent enchantées par ce projet. Cette projection génère un grand plaisir. Le groupe semble ne faire qu’un. Il rit de bon cœur en regardant le premier tour de table et commente en ironisant gentiment les premières maladresses, hésitations, peurs face à la caméra. Il félicite, énumère les progrès effectués mais n’émet pas de critiques comme il peut le faire habituellement. Les jeunes filles mesurent et apprécient individuellement le chemin qu’elles ont parcouru et le groupe semble le valider.

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3.9    Evaluation

Sur la base d’un travail de préparation aux entretiens professionnels, la vidéo peut-elle être un outil efficace pour aider des adolescents handicapés mentaux à mieux communiquer ?

 J’ai effectué huit séquences (dont deux de préparation) pour vérifier cette hypothèse de départ.

La vidéo a été utilisée dans un contexte particulier et avec une population spécifique : des personnes handicapées d’IMPro[32] en fin de cursus, susceptibles d’être orientées prochainement en milieu professionnel (CAT, ateliers protégés, emplois protégés…). Certaines adolescentes ont effectué des stages à l’extérieur de l’institution, certaines ont déjà dû se présenter.

 Malgré ma volonté de les rendre le plus réaliste possible, ces exercices de préparation aux entretiens professionnels ne demeurent que des simulations, un espace intermédiaire entre la prestation théâtrale et la réalité. Comment les jeunes filles réinvestissent-elles ces acquis dans leur quotidien ? Le transfert est-il possible ? Si oui, s’opère-t-il de façon significative ? Je n’ai malheureusement pas eu le temps ni les moyens d’évaluer les effets de ce travail dans de réelles situations de communication.

 Globalement, les résultats de cette expérimentation sont positifs. Toutes les jeunes filles, malgré certaines réticences de départ, ont accepté de se faire filmer et de se regarder. Les groupes de vidéographie de plus en plus restreints et les cadrages de plus en plus serrés n’ont pas posé de problèmes. Les discours sont globalement plus longs, plus positifs, plus denses et surtout mieux adaptés au cadre proposé (l’entretien professionnel). Il y a eu prise de conscience de l’importance du message passé par le canal analogique (non verbal) et donc un ajustement des attitudes corporelles. Les vidéoscopies ont permis aux adolescentes de se faire une représentation de leur travail, de l’analyser et de le réajuster.

 Natacha a été absente trois séances sur les huit proposées. Au départ, elle ne voulait pas se faire filmer. Maintenant elle accepte de passer devant la caméra sans problème. Elle ne s’est pas investie dans la préparation des vidéographies (pas d’écrit). Elle improvise donc et s’en sort plutôt bien. Ses interventions sont très théâtrales. Elle fait partie des jeunes filles qui ne sont pas vraiment dans la dynamique de préparer leur entretien professionnel, mais dans celle d’utiliser la caméra pour se prouver quelque chose.

 Gladys a toujours été très demandeuse. Elle n’a pas participé au deux dernières séances. Elle est très à l’aise devant la caméra. Elle a produit beaucoup d’écrits pour préparer ses vidéographies. Proportionnellement à son investissement et ses possibilités, ses progrès ne sont pas très conséquents. Malgré les conseils, elle se noie dans des détails personnels. Je pense qu’inconsciemment, elle utilise la caméra pour les verbaliser.

 Christine, malgré son apparente indifférence, s’est bien investie dans ce travail. Elle prépare ses interventions avec sérieux. Elle peut désormais énoncer son expérience professionnelle et ses savoir-faire, mais ressent toujours le besoin de préciser ce qu’elle ne fait pas ou ne sait pas faire.

 Virginie a toujours été présente. Au début, elle ne regardait pas la caméra, parlait très faiblement et pratiquement pas. Elle s’est beaucoup investie dans ce travail et en a bien compris le sens. Elle a fait beaucoup de progrès. Son discours est désormais audible, structuré et bien adapté. En lui imposant de verbaliser ses savoir-faire, son expérience, Virginie a pris conscience du chemin qu’elle a parcouru. Ce travail l’a valorisé et lui a permis de prendre confiance en elle.

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3.10   Compte-rendu d’analyse

A la vue des progrès effectués par la plupart des adolescentes (voir § Evaluation), l’utilisation de la vidéo semble efficace. Mais il me paraît nécessaire de nuancer ces résultats.

 L’enjeu face à la caméra semblait différent d’une adolescente à l’autre. En effet, les jeunes filles qui ont effectué des stages à l’extérieur de l’établissement étaient vraiment dans le cadre de la préparation que je leur proposais et travaillaient avec beaucoup de professionnalisme. Leur expérience leur permettait de quantifier l’intérêt personnel que représentait cette expérimentation. Les autres (celles qui n’ont fait que des stages dans l’institution), bien que de bonne volonté, semblaient être dans une dynamique différente. Elles s’investissaient moins dans la préparation du discours et appréhendaient la vidéographie de façon plus théâtrale. Je pense que l’efficacité de la vidéo est liée à la clarté de la lecture faite des objectifs qu’elle sert. Son utilisation doit être justifiée et avoir du sens pour les élèves.

 Je l’ai ressenti continuellement, la vidéo peut être un outil dangereux, particulièrement avec des personnes ayant des troubles psychologiques. Elle nécessite de prendre une multitude de précautions. Ces jeunes filles perturbées, lorsqu’elles sont face à leur image (la vidéoscopie) se retrouvent confrontées à des étapes archaïques de leur développement. Pour ne pas outrepasser ma fonction et générer des situations qui m’auraient certainement dépassé, j’ai dû définir un cadre pédagogique précis et contenant. Cette nécessité impose une rigidité de fonctionnement qui peut être parfois lourde à gérer et qui laisse une marge de manœuvre étroite. Je pense que l’utilisation de la vidéo, particulièrement avec des enfants ou adolescents handicapés, ne s’improvise pas. Elle nécessite des précautions et donc une formation spécifique.

 Pendant la vidéoscopie, les réflexions et les commentaires du groupe peuvent affecter grandement la personne qui passe à l’écran. Il faut donc maîtriser la situation en instaurant des garde-fous. L’ambiance de travail doit être sécurisante, axée sur le respect et la tolérance. Des règles doivent être définies clairement. Elles peuvent être la base, le point de départ d’un travail sur la vie en collectivité, la citoyenneté, le handicap…

 Pour ne pas dériver vers une démarche thérapeutique, j’ai dû « dépersonnaliser » les projections. En segmentant les films (arrêt, retour en arrière, répétition…), en les utilisant comme des illustrations techniques d’éléments de communication, les vidéoscopies sont transformées en « documents pédagogiques ». Les jeunes filles voient leur image, chargée d’affects, transformée en une succession d’exemples valorisés, en objets collectifs. Leur expérience personnelle relue dans un cadre théorique, prend un sens différent et peut être utilisée par le groupe. Aujourd’hui, avec le recul, je ne pense pas avoir été assez loin dans cette démarche. Le passage par l’écrit, par la symbolisation permettrait de prendre de la distance et faciliterait le travail sur la réalité. Les prestations pourraient être codées par les jeunes filles et être ainsi manipulées plus aisément.

 La vidéographie doit être préparée. Se retrouver sans contenu à énoncer, démuni devant la caméra peut être dévastateur, angoissant et très dévalorisant. Pour ne pas provoquer une telle situation, avant de les filmer, j’ai du m’assurer systématiquement que les jeunes filles avaient quelques choses à dire. Il est nécessaire que l’enseignant quantifie ce dont est capable son élève, pour que les demandes soient adaptés à ses capacités. En proposant aux adolescentes de fixer elles même leurs objectifs d’une séance à l’autre, j’ai en partie résolu ce problème.

 La majorité des jeunes filles, à la suite des premières vidéoscopies, ont ressenti le besoin de préparer leurs vidéographies. La vidéo les a stimulées à utiliser l’écrit et à se pencher sur leur chemin parcouru, leur actualité, leur projet professionnel… Elles ont du porter un regard positif sur elles-mêmes afin de déterminer leurs capacités et leur potentiel. Ce travail pousse les adolescentes à se valoriser par rapport à l’extérieur. Il leur permet de se regarder différemment, et contribue, je pense, à l’acceptation de ce qu’elles sont et de leur handicap.

 La vidéo a stimulé les jeunes filles à rédiger et a contribué à donner du sens à l’écrit : Les adolescentes, pour préparer leurs entretiens, ont naturellement utilisé différentes stratégies. Au fil du temps, elles ont réalisé que le passage par l’écrit restait le moyen le plus efficace. Il permet d’inventorier, de trier, d’ordonner facilement les informations que l’on veut énoncer. Il permet de s’interroger sur le contenu de ce que l’on veut communiquer. Le travail effectué sur papier perdure dans le temps, est aisément modifiable, réajustable. Certaines jeunes filles qui ne savent pas, ou qui ont des difficulté à écrire et lire, ont, en notant simplement quelques mots, en dessinant, pu apprécier l’intérêt de cette démarche.

 La vidéo (outil technique valorisé par la société) motive naturellement les adolescents. La vidéo, sorte de filtre, modifie notre regard sur les choses. La corrélation de ces deux effets m’a permis d’aborder les jeunes filles différemment, de porter un autre regard sur chacune d’entre elles, de mieux percevoir leurs spécificités et donc de mieux individualiser mes demandes, mon accompagnement.

 La vidéo, en s’interposant entre les adolescentes et moi, a modifié nos relations et le rapport des jeunes filles au savoir. La triangulation élève/enseignant/vidéo qui s’opère ne place plus le maître en temps qu’individu détenteur du savoir, mais comme un référent détenteur d’un savoir sur lequel on peut s’appuyer pour comprendre et avancer. L’élève n’est plus passif, il devient acteur de son apprentissage. La vidéo ouvre un espace de liberté qui modifie la relation frontale maître/élève, chargée d’affects.

 Les jeunes gens ayant des troubles de la personnalité ont des difficultés à se créer des représentations, à se repérer dans le temps, à faire des liens. Ceci complique le travail sur la communication. En mémorisant et en reproduisant avec fidélité les échanges oraux, les messages analytiques et digitaux, la vidéo offre des « représentations » presque toutes faites, proches des images mentales qui rendent le travail sur la communication plus facilement accessible. Les adolescentes se voient échanger, parler. Elles peuvent quantifier et apprécier la valeur de cet acte. Elles peuvent évaluer, analyser leurs prestations pour réajuster. La vidéo m’a permis de travailler avec ces jeunes filles de façon simple et concrète, sur la communication orale directement et rétrospectivement (la métacommunication).

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4        Conclusion

L’écriture de ce mémoire a été une expérience personnelle enrichissante. Elle a contribué, à travers mes recherches et lectures théoriques, à clarifier et à porter à maturité certaines de mes idées, et par conséquent d’appréhender les adolescentes différemment sur le terrain. Cette nouvelle approche m’a certainement permis d’obtenir une qualité d’attention supérieure et donc d’affiner mes analyses.

 Malheureusement le temps m’a manqué. Je n’ai pu évaluer les effets de cette expérimentation dans un contexte différent du cadre que j’avais défini. A-t-elle des répercussions marquantes dans le quotidien des adolescentes ? Ces dernières seront-elles réellement mieux armées pour affronter le milieu professionnel ? Je ne peux malheureusement pas répondre à ces questions. Il serait illusoire de vouloir tirer des certitudes ou des généralités de ce travail en guise de conclusion.

 Cependant, je pense que cette expérience aura prouvé sa pertinence. Tout en s’intégrant dans le projet pédagogique des enseignants et celui plus vaste de l’institution, elle aura contribué à faire émerger chez les jeunes filles leurs capacités à communiquer. Elle aura participé à les revaloriser et à prendre confiance en elles.

 La vidéo permet un travail individualisé efficace sur la communication orale. Elle modifie les rapports savoir/maître/élève en rendant ce dernier actif (élève-émetteur). Elle est un outil pédagogique puissant, mais elle impose un regard sur soi. La vidéoscopie oblige les enfants ayant des troubles de la personnalité à se construire une représentation d’eux-mêmes. Ils se retrouvent face à leur handicap. A cause des réactions qu’elle peut engendrer, cette confrontation peut faire peur. Bien qu’il ne soit pas du ressort de l’enseignant spécialisé de les analyser, il doit les assumer. L’un des rôles majeurs du maître D, n’est il pas, en collaboration avec l’équipe thérapeutique de permettre aux enfants handicapés mentaux de développer leur personnalité ? De les aider à construire leur identité ? De les aider à prendre conscience de leurs capacités pour les exploiter et ainsi s’intégrer dans la société ?

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5        Bibliographie

5.1    Livres

B. GOLSE - Le développement affectif et intellectuel de l’enfant - Masson - Paris - 1985 - 1992.

J. LACAN - Le stade du miroir comme formation de la fonction du Je - 1949 - Ecrits - Le Seuil - Paris - 1996.

Monique LINARD, Irène PRAX - Images vidéo, images de soi… (ou Narcisse au travail) - Dunod - Paris - 1984.

A. MUCCHIELLI - Psychologie de la communication - Puf – 1995.

P. WATZLAWICK - Une logique de communication - Points Essais.

D.W. WINNICOTT - Jeu et réalité - Gallimard – 1971.

La maîtrise de la langue à l’école - Edition savoir lire

5.2    Revues

Vidéo et A.I.S. : Pratiques et Réflexions - Les Cahiers de Beaumont - N° 59 – Mars 1993.

Vidéo et A.I.S. : Pratiques et Réflexions - Les Cahiers de Beaumont - N° 60 - Mars 1993.

Identité, Identités - Sciences Humaines - hors-série n°15 - décembre 1996 / janvier 1997.

La communication , état des savoirs - Sciences Humaines – hors-série n°16 – mars/avril 1997.

5.3    Textes officiels

Annexe XXIV circulaire n°89-17 du 30 octobre 1989 Edition du centre national de Suresnes.

Programmes de l’école primaire 1995, p 54.

Extrait du rapport annexé à la loi d’orientation sur l’éducation n°89-486 du 10 juillet 1989.

 

6        Annexe 1

Préparer un entretien professionnel

¨  Se présenter : nom, prénom, âge...

¨  Résumer son parcours : scolarité, établissements fréquentés, diplômes, stages...

¨  Décrire son actualité : ateliers, stages, loisirs...

¨  Exprimer ses envies, ses projets...

¨  Exprimer ses qualités et ses difficultés.

¨  S'exprimer correctement : parler assez fort, articuler correctement...

¨  Avoir un comportement et une attitude adaptés : position sur la chaise, tenue vestimentaire...

 


[1] CAAPSAIS : Certificat d’Aptitude aux Actions Pédagogiques Spécialisées d’Adaptation et d’Intégration Scolaire.

[2] Option D : enseignement des enfants et des adolescents présentant des troubles importants à dominantes psychologiques.

[3] EREA : Etablissement Régional d’Enseignement Adapté.

[4] IME : Institut Médico-Educatif

[5] SES : Section d’Enseignement Spécialisé.

[6] SEGPA : Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté.

[7] ERPD : Etablissement Régional du Premier Degré.

[8] CLIS 2 : CLasse d’Intégration Scolaire pour enfants atteints d’un handicap auditif.

[9] CLIS 1 : CLasse d’Intégration Scolaire pour enfants atteints d’un handicap mental.

[10] Extrait de l’article premier (modifié par la loi n° 94-665 du 4 août 1994) de la loi d’orientation sur l’éducation n°89-486 du 10 juillet 1989.

[11] P. TAP – Marquer sa différence in Sciences Humaines, hors-série n°15, décembre 1996 / janvier 1997, p9.

[12] J. LACAN - Le stade du miroir comme formation de la fonction du Je ,1949, Ecrits, Le Seuil, Paris, 1996, p 93-100

[13] B. GOLSE – Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, Masson, Paris, 1985, 1992, p 160.

[14] D. WINNICOTT – Jeu et réalité, Gallimard, 1975.

[15] Extrait du rapport annexé  à la loi d’orientation sur l’éducation n°89-486 du 10 juillet 1989.

[16] La maîtrise de la langue à l’école - Edition savoir lire.

[17] D. BOUGNOUX – Les territoires de la communication in Sciences Humaines – hors-série n°16 – mars/avril 1997- p 14.

[18] P. WATZLAWICK – Une logique de communication – Points Essais.

[19] En 1948, l’ingénieur américain C. E. Shannon qui cherchait une solution mathématique au problème « comment transmettre dans des conditions optimales un message à travers un moyen de communication (téléphone, télégraphe…) », propose un premier modèle linéaire de la communication : A pour envoyer un message X à un récepteur B, utilise un émetteur qui transforme son message en signal codé. Ce signal passe par un canal de transmission Z pour atteindre un récepteur qui décode le signal obtenant un message X’ pour B.

[20] A. MUCCHIELLI – Psychologie de la communication – Puf – 1995.

[21] Extrait du rapport annexé à la loi d’orientation sur l’éducation n°89-486 du 10 juillet 1989.

[22] Programmes de l’école primaire 1995, p 54.

[23] M. LINARD et I. PRAX – Images vidéo, images de soi…(ou Narcisse au travail), Dunod, Paris, 1984.

[24] D. WINNICOTT – op. cit., 1975.

[25] M. LINARD et I. PRAX – op. cit., p 29-30.

[26] M. LINARD et I. PRAX – op. cit., p.96

[27] Adaptation et Intégration Scolaires.

[28] M. LINARD et I. PRAX – op. cit., p 107.

[29] Référentiels des domaines généraux des Certificats d’aptitude Professionnels, BO n° spécial 2 – 24 mai 1990.

[30] Nom que les adolescentes ont donné au jour de ma venue (Franck + vendredi).

[31] AFPA : Association pour la Formation Professionnelle des Adultes.

[32] IMPro : Institut Médico-Profesionnel

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Franck CHABERT - http://chabertfranck.free.fr/

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